Notre série « Portrait » vise à présenter les personnes et organisations qui font partie de la communauté de clients de Percumédia.
Pour cette seconde édition, je reçois le psychologue Antonio Zadra, professeur-chercheur à l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire des Rêves où on étudie les mystères du sommeil et des rêves.
Le professeur Antonio Zadra est originaire de la ville de Sept-Iles où il a fait ses études primaires et secondaires. Il se déplace ensuite à Montréal pour y continuer ses études aux niveaux collégial et universitaire. Après avoir pensé se préparer pour des études en médecine, un rêve particulièrement significatif pique sa curiosité et, après de nombreuses lectures sur le sommeil et les rêves, il opte plutôt pour des études universitaires en psychologie.
Après avoir obtenu une maîtrise en psychologie expérimentale et un doctorat en psychologie clinique à l’Université McGill, il complète une recherche postdoctorale dans le Laboratoire de rêve et de cauchemar du Dr. Tore Nielsen à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.
Parasomnies et troubles oniriques
Antonio Zadra est aujourd’hui professeur au département de psychologie de l’Université de Montréal et il s’intéresse particulièrement à certains troubles du sommeil: les parasomnies, soit des comportements indésirables qui surviennent pendant le sommeil (somnambulisme, terreurs nocturnes, etc.). Il s’intéresse également aux troubles oniriques, c’est à dire à tout ce qui est désagréable dans les rêves, notamment les cauchemars, reliés ou non à des traumas.
Avec son équipe, il poursuit deux types de travaux complémentaires. Le premier porte sur l’étude du contenu des rêves. Cette recherche se fait principalement au moyen de questionnaires et de journaux de rêves que les participants remplissent sur des périodes allant de plusieurs semaines à plusieurs mois.
Le second type de recherche du professeur Zadra est plus technique et est surtout mené au Centre avancé d’étude du sommeil de l’hôpital Sacré-Cœur à Montréal. Il s’agit ici d’études ayant recours à l’encéphalographie ou à l’imagerie cérébrale pour l’analyse du sommeil.
À quoi servent ces recherches ?
Les applications ou retombées de ces recherches se déclinent en deux volets. On veut d’abord mieux comprendre pourquoi les gens font des cauchemars, à quelle fréquence et à quels moments de leur vie. On souhaite pouvoir mieux évaluer et surtout traiter ces troubles du sommeil.
Le second type de retombées est plus holistique. On veut comprendre de manière plus large les interactions entre les facteurs génétiques et environnementaux des personnes atteintes de troubles du sommeil, comme le somnambulisme ou les terreurs nocturnes, de façon à intervenir auprès d’elles de manière plus globale.
Ainsi, dans le cas du somnambulisme, on pourra diminuer la fréquence ou l’intensité des épisodes au moyen de traitements psychologies ou pharmacologiques, ou tout simplement en modifiant les habitudes de vie de certains patients.
Qu’en est-il de l’interprétation des rêves ?
Il s’agit là d’une très longue et riche histoire, bien antérieure aux travaux de Freud, par exemple. De tous temps, les gens se sont intéressés à leurs rêves et ont voulu savoir pourquoi et comment survenaient ces images pendant leur sommeil. C’est ainsi que certaines techniques pour interpréter ces rêves ont été développées.
D’un point de vue scientifique ou empirique, nous disposons de très peu de preuves évidentes permettant d’accorder un fondement à ces techniques. Cela ne signifie pas cependant que le contenu des rêves soit dépourvu de sens sur le plan psychologique. Il n’existe cependant pas de méthode universelle permettant de comprendre la signification de certaines images pendant les rêves. Les dictionnaires d’interprétation des rêves sont certes amusants, mais ils ne comportent aucun fondement scientifique ou théorique venant appuyer les définitions présentées.
Que peut-on comprendre de nos rêves alors ?
Quand on porte attention non seulement à un seul rêve mais plutôt à une série de rêves, on peut commencer à voir des modèles émerger : les endroits où les rêves ont lieu, les personnages qu’on y retrouve et la nature des interactions entre ceux-ci. En examinant ces modèles, on peut découvrir des liens avec des situations relationnelles vécues à l’état de veille.
On comprend maintenant de mieux en mieux que la dimension interpersonnelle d’un individu se reflète de manière importante dans ses rêves, tout en s’entremêlant à des choses vues ou pensées dans un passé plus ou moins lointain, donnant ainsi un aspect particulier ou bizarre aux rêves.
Qu’est-ce qu’un sommeil sain ?
Malheureusement, nous sommes une société qui est collectivement en privation de sommeil. Le seul fait qu’une majorité de personnes utilisent un cadran pour se réveiller nous démontre que notre sommeil doit être interrompu.
Après le pétrole et ses dérivés, la caféine est la deuxième substance la plus importante en termes de transactions dans le monde. Une consommation si importante et globale de caféine nous informe que les gens sont fatigués et qu’ils ont besoin d’un stimulant pour pouvoir vaquer à leurs occupations.
Tout cela est dommage, car nous savons maintenant que le sommeil est loin d’être un état passif, voire une perte de temps. Le sommeil aide à consolider les apprentissages, à réguler nos émotions et même nos hormones. Il est relié à notre appétit, à la régulation de l’insuline, à la prévention du diabète et des maladies cardio-vasculaires. Ce n’est donc pas pour rien que l’évolution a contribué à mettre en place le sommeil chez tous les mammifères. Sa privation à plus ou moins long terme entraîne des séquelles.
L’importance de la vulgarisation
Étant donné que nos recherches sont financées par des fonds publics amassés à même nos impôts, il est important de redonner à la collectivité, non seulement en informant des choses pointues qu’on peut découvrir, mais en vulgarisant ce qu’on découvre, ce qu’on connaît et ce qui nous reste à connaître.
Tout particulièrement dans le domaine du sommeil et des rêves, les gens ont des croyances et des opinions sans être conscients de toute la recherche qui se fait dans ce domaine et qui contribue à démystifier certaines caractéristiques de nos rêves et à nous aider à les comprendre.
Il est donc important, tout comme dans d’autres domaines scientifiques, de savoir ce que la science a à nous dire sur les rêves et le sommeil en général.
À surveiller
Dans l’année à venir, nous continuerons des recherches intéressantes, notamment sur l’activité cérébrale des somnambules. On constate que même lorsqu’ils sont endormis, on observe chez eux que certaines parties du cerveau sont en état d’éveil et d’autres en état de sommeil de manière simultanée, et même avant les épisodes de somnambulisme.
Nous menons également une étude fort intéressante sur les rêves érotiques avec un échantillon de presque dix mille récits de rêves. On y observe des différences intéressantes selon le genre, ou selon que les gens vivent en couple ou non, selon l’âge, etc. Une recherche qui intéressera sûrement les médias…
À suivre sur le site web antoniozadra.com